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LOUIS TIERCELIN.



L’AMOUR CACHÉ




Pendant un mois je l’ai suivie
Ainsi que font les amoureux ;
Rêveur dans les sentiers ombreux,
De ce bonheur j’ai fait ma vie ;
J’avais l’âme triste et ravie :
Pendant un mois je fus heureux.

Son grand œil brun qui s’effarouche
Dort à l’abri des longs cils noirs ;
Dans l’ignorance des espoirs,
Le sourire attriste sa bouche,
Et sur ce marbre l’homme louche
Viendra briser ses encensoirs.

Je ne sais quel charme, un mystère
L’enveloppe avec majesté ;
Son air plein de naïveté
Force les aveux à se taire,
Et l’on voudrait baiser la terre
Où son pied semble épouvanté.

Bien souvent j’ai dit à mes lèvres :
« Vous parlerez ! » Ce fut en vain.
Timide en cet amour divin
Et dédaignant les aveux mièvres,
Mon cœur a contenu ses fièvres :
Le torrent se creuse un ravin.