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ANTHOLOGIE DU XIXe SIÈCLE.

PARIS


Le soleil, qui se glisse entre les toits des villes,
Rayé d’ombre comme aux barreaux d’une prison,
Disperse sa grandeur et sa gloire inutiles
Pour faire à chaque rue un étroit horizon.

Il court avec la roue active des voitures,
Avec l’eau des ruisseaux, le travail des faubourgs,
Et, le soir, au fronton blanc des architectures,
Il pâlit et s’efface en remontant toujours.

Qui songe, en le voyant, aux couchants pleins de flammes,
Aux saisons qu’il entraîne et mesure en clarté ?
Le printemps se devine aux toilettes des femmes,
Sous leur éventail bat le souffle de l’été.

Le ciel paraît si haut qu’on le regarde à peine,
Ainsi qu’un océan toujours inexploré,
Dont la tempête reste invisible et lointaine,
Sans qu’un regard rêveur s’y soit aventuré.

Il pleut ; la neige étale une blanche étendue,
Le vent passe emporté dans un magique accord,
La nature au niveau des yeux est descendue,
Mais fragile, amoindrie aux effets d’un décor.

Et c’est ainsi, fleurs en bouquets, branches coupées,
Fruits détachés de l’arbre avant que d’être mûrs,
Qu’elle suit le sillon des villes occupées
Sur le pavé stérile et dans l’ombre des murs.