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ANTHOLOGIE DU XIXe SIÈCLE.


Elles vont. Un siècle qui sombre
Dans ton abîme, Éternité,
Ne fait pas rider ton flot sombre,
Ni tourner leur front de côté.

Elles vont. Des étoiles meurent
À suivre leur vol vagabond :
Mes deux yeux sur elles demeurent
Tout grands ouverts, où qu’elles vont.

Enfin, d’un ciel rempli de cendre,
Je les vois tomber, je les vois
Sur nos mères à tous descendre,
Ô poètes sans reins, sans voix.

Hélas ! que n’es-tu faux, mon rêve ?
Mais non. Ces âmes d’avortons,
Ce sont bien celles que, sans trêve,
Nous tous, les faibles, nous portons.

C’est pourquoi ceux de notre race
Sont maudits entre les maudits,
Qu’ils soient couverts d’or ou de crasse,
Dans des palais ou des taudis.

C’est pourquoi, niais que nous sommes,
Nous vieillissons, soûls d’encre, et sourds,
Passant nos veilles et nos sommes
À pleurnicher sur nos amours.
— À quoi donc bon vous plaindre aux femmes
De vos cœurs par elles ouverts?
Sans les colères de vos âmes,
Où. donc les âmes de vos vers." —