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ÉMILE DOSILLON.


D’abord, je vois la Sparte antique.
Les Anciens passent, front penché.
Ils quittent la table publique
Et vont s’assembler au Lesché.

Là, selon le rhêtre inflexible,
Tous les nouveau-nés sont tenus.
Chacun des Anciens, impassible,
Fait l’examen de leurs corps nus.

Les uns, ceux aux couleurs prospères,
Les bien musclés, les forts, les beaux.
Sont remis au bras de leurs pères.
Pour eux, les retours triomphaux.

Pour eux, pendant l’apothéose
Du soleil, ce flot qui garda
Dans les rougeurs du laurier-rose
La trace des bains de Léda.

Pour les autres, ceux dont le torse
Est mou, les laids, les chassieux,
Ceux par qui se perdraient la force
Et la beauté des fiers aïeux,

Là-bas, à l’ombre du Taygète,
On les porte, les mal bâtis.
Un gouffre bâille : on les y jette.
Un cri : tous sont anéantis.

Eh bien, les âmes délivrées
De tous ces rebuts impotents,
Je les vois, d’air libre enivrées,
Monter dans l’espace et le temps.