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GUSTAVE RIVET.

 
Pour qui donc sa pensée, et pour qui donc son rêve,
Et son sourire calme et pur, si gracieux ?
Pour qui donc le regard si clair de ses grands yeux
Sereins comme l’azur d’un beau jour qui se lève ?

Hélas ! ce n’est pas moi que voit son œil profond !
Quand l’artiste la fit si suave et si belle,
Son cœur ne savait pas que je vivais pour elle...
— Mais moi, j’ai bien souvent mis ma lèvre à son front.

(Mots d’Amour)

L’AVEUGLE

Aveugle ! et tout entier au chagrin qui le ronge,
Les yeux fermés, ayant les ombres pour prison,
Le menton appuyé sur sa poitrine, il songe
A ce qu’est un soleil, un profond horizon.

Il n’a jamais vu rien du ciel et de la terre,
Ni forêt, ni rayon, ni mer... rien que la nuit...
Sa raison s’engourdit dans l’ombre et le mystère,
Il songe, et sent un vide immense autour de lui...

Eh bien ! il a pourtant ce bonheur que j’envie
De ne connaître pas la lumière bénie;
Car moi qui de tes yeux vis briller les éclairs,

Moi qui vis sur mon front rayonner ton sourire,
Dans ma nuit où ton astre aimé ne vient plus luire,
Je souffre plus que lui, sachant quel bien je perds !


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