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JEAN AICARD.

 
— « Arrête, ô très puissant ! car c’est moi qui commande ! »
Répétait l’inconnu, voilé de son burnous.
Et tous songeaient, devant une audace si grande :
« Quelqu’un est devant nous, de plus puissant que nous ! »

Sentant derrière lui la stupeur immobile,
Le maître vainement criait : « Peuples, à moi ! »
Hommes, chevaux, fusils, tout restait inutile :
Les témoins n’étaient plus les serviteurs du roi !

Et l’inconnu saisit le cheval par la bride :
« Descends de ton cheval, cria-t-il, roi puissant ! »
— « Je me défendrai seul ! » dit le prince intrépide
Qui leva, haut et clair, son sabre menaçant.

L’autre, alors, avec un invisible sourire,
Prit dans sa main le pied du cavalier royal,
Hors du large étrier le tira sans rien dire,
Et renversa le roi du haut de son cheval !

Et les peuples muets, à ce spectacle étrange,
Voyant tombé ce roi si beau, si grand, si fort,
Dans l’inconnu voilé reconnurent un ange.
Et virent que c’était l’ange noir de la mort.

(Au Bord du Désert)