Page:Lemerre - Anthologie des poètes français du XIXème siècle, t3, 1888.djvu/282

Cette page n’a pas encore été corrigée
262
ANTHOLOGIE DU XIXe SIÈCLE.


Son peuple avait vaincu par la force et le nombre ;
C’était un Salomon jeune et beau, sans pareil ;
Cent mille chevaucheurs suivaient sa petite ombre,
En faisant ondoyer sa puissance au soleil.

Au-dessus des lampas, lamés d’or et de soie,
Que traînaient derrière eux les coursiers batailleurs,
Ses étendards semblaient secouer de la joie,
Comme les hauts palmiers dans la saison des fleurs.

La terre s’envolait en nuage de gloire
Sous son piétinement formidable et nombreux,
Et le chant de sa paix comme de sa victoire
Faisait fuir au désert les grands lions peureux !

Or, tandis qu’il marchait en avant, seul en tête,
Un inconnu surgit devant lui tout à coup,
Qui, de loin, lui cria : « Maître du monde, — arrête ! »
Et son cheval hennit et se dressa debout !

Quand les pieds de devant retombèrent à terre,
Le roi, qui le tenait pressé des deux genoux,
Fut surpris dans son cœur de se voir solitaire
En avant de ses gens qui le regardaient tous !

Plus surpris qu’indigné, le roi fit un grand geste
Comme pour appeler une armée au secours
Contre cette insolence étrange et manifeste,
Car l’inconnu parlait et menaçait toujours.

— « Arrête ! criait-il, puissant maître des hommes ! »
Et le roi se disait : « Quel est donc celui-ci ?
Il a bien sa raison, s’il voit ce que nous sommes ;
Il est fou cependant de nous parler ainsi ! »