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ANTHOLOGIE DU XIXe SIÈCLE.

Ton sourire odorant disait à Zeus : « Je veux! » —
Et lentement montait vers les hauteurs sereines,
Du fond du temple obscur, le souhait maternel :
« Donne à mes fils, ô Zeus, aux bontés souveraines,
Le plus grand bien que puisse espérer un mortel! »
Et les deux fils dormaient. — Quand l’aube blanchissante
Eut dissipé la nuit, sur leurs fronts radieux
La Mort avait posé sa lèvre obéissante :
Cléobis et Biton étaient aimés des dieux.

LÉTHÉ

Aux Champs Élyséens, Léthé dort immobile.
Pas un souffle dans l’air, dans l’arbre pas un nid.
Inerte et noir s’étend le fleuve délébile.
Comme au seuil asclépien un serpent de granit,
Aux Champs Elyséens, Léthé dort immobile.

Sous les cyprès obscurs dans l’abîme plongeant
Erre éternellement la Mort inassouvie ;
Ni les abeilles d’or, ni les poissons d’argent,
Ne passent, lumineux et beaux comme la Vie,
Sous les cyprès obscurs dans l’abîme plongeant.

Père des jours futurs et des races nouvelles,
Léthé, tout ce qui fut renaît dans ton flot saint
Dissolvant la Mémoire et les formes mortelles.
Les siècles rajeunis émergent de ton sein,
Père des jours futurs et des races nouvelles.