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ANTHOLOGIE DU XIXe SIÈCLE.


On retrouve l’enfant blonde avec qui cent fois
On a jadis couru la forêt et la lande ;
Elle n’a point changé, — sinon, qu’elle est plus grande,
Que ses yeux sont plus doux et plus douce sa voix.

— « Revenons aux genêts ! — Je le veux bien ! » dit-elle.
Et l’on va, côte à côte, en causant, tout troublés
Par le souffle inconnu qui passe sur les blés,
Par le chant d’une source, ou par le bruit d’une aile.

Les genêts ont grandi, mais pourtant moins que nous :
Il faut nous bien baisser pour passer sous leurs branches,
Encore accroche-t-elle un peu ses coiffes blanches ;
Quant à moi, je me mets simplement à genoux.

Et nous parlons des temps lointains, des courses folles,
Des nids ravis ensemble, et de ces riens charmants
Qui paraissent toujours sublimes aux amants,
Parce que leurs regards soulignent leurs paroles.

Puis, le silence ; puis, la rougeur des aveux,
Et le sein qui palpite, et la main qui tressaille,
Et le bras amoureux qui fait ployer la taille…
Comme le serpolet sent bon dans les cheveux !

Et les fleurs des genêts nous font un diadème ;
Et, par l’écartement des branches, — haut dans l’air, —
Paraît comme un point noir l’alouette au chant clair
Qui, de l’azur, bénit le coin d’ombre où l’on aime !…

Ah ! de ces jours lointains, — si lointains et si doux ! —
De ces jours dont un seul vaut une vie entière,
— Et de la blonde enfant qui dort au cimetière,
Genêts de mon pays, vous en souvenez-vous ?


(Le Clocher)


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