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FRANÇOIS FABIÉ.


Roupeyrac, qui te vie à dix ans petit pâtre,
Et te voit aujourd’hui, vieux bûcheron cassé,
Regarder longuement, contre un d’eux adossé,
Les arbres que tu n’as pas eu le temps d’abattre ;

Puis, ton petit moulin, qui parmi les prés verts
Travaille en bavardant, et doucement marie
Sa voix au grincement strident de la scierie,
Et dont le chant m’apprit à cadencer les vers…


*
*       *


Et, si je vois alors cette larme captive
Que jamais la douleur n’a pu faire couler,
Au bord de tes cils gris apparaître, trembler,
Glisser entre tes doigts et s’y perdre furtive,

Je dirai que mes vers sont clairs, simples et francs,
Que ma muse au besoin sait être familière,
Puisque, pareil à la servante de Molière,
Toi qui n’étudias jamais, tu me comprends ;

Je dirai que c’est là mon destin et ma tâche
De chanter la forêt qui nous a tous nourris,
Et de me souvenir, chaque fois que j’écris,
Que ma plume rustique est fille de ta hache.


(La Poésie des Bêtes)


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