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FRANÇOIS FABIÉ.


Car le bois t’attirait déjà comme il m’enchante,
Non point pour y rêver au murmure du vent,
Ni pour entendre — ainsi que je le fais souvent —
La source qui sanglote et la grive qui chante,

Mais pour y travailler comme un dur pionnier,
Pour y couper des troncs, pour y tailler des planches,
Pour y faire voler sous ta hache les branches
Qui passent de l’azur au four du charbonnier.


*
*       *


Aussi, lorsque à vingt ans sous la toise fatale
Tu passas sans heurter, quoique tremblant d’effroi,
Et qu’on t’eut dit : « Trop court pour un soldat du roi !
« Un soldat doit offrir plus de prise à la balle !… »

Tu regagnas, joyeux, ton village et tes bois,
Et, près du vieil étang dont ton aïeul peut-être
Avait battu les eaux pour endormir son maître,
En forçant les crapauds à modérer leur voix,

Tu rebâtis à neuf une antique scierie,
Tu remis une roue au moulin féodal,
Et ta hache d’acier, champêtre Durandal,
Sur les troncs retentit encore avec furie.

Tu chantas, et l’amour accourut à ta voix :
Une fille des champs, aussi douce que sage,
Descendit au vallon, et, contre tout usage,
L’alouette des blés aima le pic des bois.