Page:Lemerre - Anthologie des poètes français du XIXème siècle, t3, 1888.djvu/193

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
177
ÉMILE BERGERAT.


XXIV


Quand je repris mes sens, je vis le vieux Badois
À mes côtés. — « Va-t’en, me dit-il, tu le dois ;
« Fais plus que ton devoir, jeune homme, pour le faire !
« Tu méritais ma fille : elle est veuve, c’est bien.
« Mérite ta patrie à présent !… Citoyen,
« Venge-la : c’est ton droit… et je te le confère. »


XXV


Je partis dans la nuit. Mais lorsque j’arrivai
Dans mon pauvre pays, je crus avoir rêvé.
Des cadavres blêmis pourrissaient dans la boue ;
Des chevaux éventrés craquaient sous des caissons,
Et des chemins affreux s’ouvraient dans les moissons
Au sein des épis mûrs qu’avait fauchés la roue !…


XXVI


Le village n’était qu’un brasier… Au milieu,
Le clocher, d’où tombaient comme des pleurs de feu,
Semblait prendre à témoin l’Éternel dans l’espace…
Je ne vous peindrai pas ce que vous avez fait.
Mais quand je vis cela, je compris qu’en effet
Vous vouliez à jamais germaniser l’Alsace !…