natole Thibaut, connu sous le nom d’Anatole France,
romancier et critique, a débuté par la poésie. Son premier
livre Les Poèmes dorés (1873) n’est pas seulement, à
notre avis, le premier par la date, mais aussi par le succès. Ciseleur
habile, M. France semble surtout destiné à exercer son art sur les petites
choses. Si le socialisme régnait dans la République des lettres, et qu’on y
fit la répartition du travail, il faudrait confier à cet artiste le soin des
plus petits bijoux pour les tailler et les mettre au point. Dans les courtes
pièces des Poèmes dorés, combien de pages ravissantes !
On a souvent cité, et avec raison : Les Cerfs, qui sont en effet fort
distingués, mais où paraît
plus d’art que de vie réelle, et dont certaines phrases un peu vagues, vers
la fin, n’ont que des rapports très éloignés avec la scène de combat et les
grands coups d’andouillers.
Après Les Poèmes dorés sont venues Les Noces corinthiennes (1878). Les beaux vers, où se montre l’influence de M. Leconte de Lisle, abondent dans ce long poème si justement estimé. M. France y a-t-il rendu le vieux monde grec expirant, l’immense tristesse de l’époque, le mélange bizarre des croyances ? Ce n’est pas un moment où l’âme humaine soit très facile à saisir et à fixer. Dans tous les cas, nous avons bien là, parfaitement marqués, une certaine date littéraire et un groupe important : Le Parnasse, avec sa couleur particulière. Si les premières années de notre ère sont parfois difficiles apercevoir en l’œuvre du poète, 1875 y éclate dans le moindre vers.