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ANTHOLOGIE DU XIXe SIÈCLE.


Des désillusions l’ombre envahit les cieux.
À quoi se rattacher désormais ? À qui croire ?
Le but manque à nos pas : pèlerins soucieux,
Sans guide, nous errons dans la nuit vide et noire.

Où sont nos Dieux ? Où sont les cultes immortels ?
L’art, veuf de l’idéal, s’accouple à la matière ;
L’esprit cherche, éploré, les antiques autels ;
Loi, mœurs, foi des aïeux, tout est cendre et poussière !

Au veau d’or l’athéisme offre un cupide encens ;
Le fait, voilà le dieu que notre orgueil adore.
L’âme et l’amour, vains mots ! nous vivons par les sens :
Ève raille, ô Psyché ! l’ardeur qui te dévore.

Plus d’idéale ardeur, plus d’altiers dévoûments,
De flamme incorruptible où raviver nos flammes !
Plus d’espoirs étoilés au fond des firmaments !
La nuit inexorable au ciel et dans les âmes !

Qui donc, illuminant le vide ténébreux,
Rendra, vivant symbole, un culte à nos hommages ?
Pour enseigner leur voie aux esprits douloureux,
Qui te rallumera, blanche étoile des Mages ?

Sont-ils venus, ces jours dont l’aigle de Pathmos
Sondait la profondeur de ses yeux prophétiques ?
Le ciel, ouvrant l’abîme aux insondables maux,
Va-t-il livrer la terre aux coursiers fatidiques ?

Est-ce la nuit sans terme ? Est-ce la fin des temps ?
L’homme et le monde ont-ils vécu leurs destinées ?
Faut-il, croisant les mains sur nos fronts pénitents,
Chanter le Requiem des ères terminées ?…