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ALFRED BUSQUET.


Un instant les vit naître, un instant les dissipe.
« Tumultueux essaims, vifs comme le transport,
Prompts comme les regrets qu’un plaisir anticipe,
Où courez-vous ainsi ? — Nous courons à la mort. »

Sur les prés et les bois un long voile de brume
Se traîne, s’élevant dans les cieux réjouis ;
Comme un flot dentelé qui sème son écume,
Il blanchit le sommet des monts épanouis.

C’est la rosée en fleurs qui monte, souveraine,
Dans les cieux entr’ouverts, céleste réservoir ;
Remontée au matin avec l’aube prochaine,
Elle redescendra dès que viendra le soir.

Le vent tôt éveillé la déchire : il la pousse
Dans les sentiers perdus et les plaines de l’air ;
Des rocs rébarbatifs elle humecte la mousse,
Et laisse un frais baiser sur le front du bois vert.

Rideau mouvant des cieux, sur d’invisibles tringles
Elle glisse sans bruit, s’efface et disparaît,
Laissant à tout brin d’herbe un pleur, tête d’épingles
Qui tremblote, miroite, et flambe le guéret !




RENCONTRE




Un soir qu’elle errait, la Fortune
Au bord d’un puits a rencontré
L’Amour, voyageur égaré,
Qui dormait au clair de la lune ;