Page:Lemerre - Anthologie des poètes français du XIXème siècle, t2, 1887.djvu/479

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
455
VILLIERS DE L’ISLE-ADAM.


IV

AU BORD DE LA MER

 
Au sortir de ce bal nous suivîmes les grèves ;
Vers le toit d’un exil, au hasard du chemin,
Nous allions : une fleur se fanait dans sa main ;
C’était par un minuit d’étoiles et de rêves.

Dans l’ombre, autour de nous, tombaient des flots foncés.
Vers les lointains d’opale et d’or, sur l’Atlantique,
L’outre-mer épandait sa lumière mystique,
Les algues parfumaient les espaces glacés ;

Les vieux échos sonnaient de la falaise entière !
Et les nappes de l’onde aux volutes sans frein
Écumaient, lourdement, contre les rocs d’airain.
Sur la dune brillaient les croix d’un cimetière.

Leur silence, pour nous, couvrait ce vaste bruit.
Elles ne tendaient plus, croix par l’ombre insultées,
Les couronnes de deuil, fleurs de morts, emportées
Dans les flots tonnants, par les tempêtes, la nuit.

Mais, de ces blancs tombeaux en pente sur la rive,
Sous la brume sacrée à des clartés pareils,
L’ombre questionnait en vain les grands sommeils :
Ils gardaient le secret de la Loi décisive.

Frileuse, elle voilait, d’un cachemire noir,
Son sein, royal exil de toutes mes pensées !
J’admirais cette femme aux paupières baissées,
Sphinx cruel, mauvais rêve, ancien désespoir.