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ANTHOLOGIE DU XIXe SIÈCLE.


Leurs fleurs, leurs oiseaux, leurs murmures
Ont enchanté mes premiers jours,
Et j’ai, plus tard, sous leurs ramures,
Mené mes premières amours.
Que l’on y porte aussi ma bière ;
Et mon corps, sans draps ni sommiers,
Dans un coin du vieux cimetière
Dormira bien sous les pommiers !




LE PHARE



Pour un poète errant que l’avenir effare
Et qui songe à finir ses jours dans un couvent,
Pour un rêveur, quel rêve ! être gardien d’un phare,
Vivre sur un écueil, dans l’écume et le vent.

Loin des villes de plâtre où l’ennui me talonne,
Loger dans une tour de granit et de fer,
Être, comme un héros, l’hôte d’une colonne,
Et la nuit, comme un astre, illuminer la mer.

Au lieu des bois, des champs, des cités, des visages,
Dont l’âge et les saisons altèrent le tableau,
Contempler à loisir d’éternels paysages
À jamais composés de ciel, de pierre et d’eau.

Tourner le dos au monde, et hors de ma poitrine
Chasser tout ce qui fut ma haine ou mon amour ;
N’avoir d’autre horizon que la houle marine,
N’avoir d’autre souci que la couleur du jour.