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ANTHOLOGIE DU XIXe SIÈCLE.


LA BÊTE



Qui donc t’a pu créer, Sphinx étrange, ô Nature !
Et d’où t’ont pu venir tes sanglants appétits ?
C’est pour les dévorer que tu fais tes petits,
Et c’est nous, tes enfants, qui sommes ta pâture :

Que t’importent nos cris, nos larmes et nos fièvres ?
Impassible, tranquille, et ton beau front bruni
Par l’âge, tu t’étends à travers l’infini,
Toujours du sang aux pieds et le sourire aux lèvres !

(Melancholia)



RÉMINISCENCES

à darwin



Je sens un monde en moi de confuses pensées,
Je sens obscurément que j’ai vécu toujours,
Que j’ai longtemps erré dans les forêts passées,
Et que la bête encor garde en moi ses amours.

Je sens confusément, l’hiver, quand le soir tombe,
Que jadis, animal ou plante, j’ai souffert,
Lorsque Adonis saignant dormait pâle en sa tombe ;
Et mon cœur reverdit, quand tout redevient vert.