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ANTHOLOGIE DU XIXe SIÈCLE.


II


Vous souvient-il un peu de ce que vous faisiez,
Mignonne, au temps des cerisiers ?

Plus grand sont les amours, plus courte la mémoire.
Vous l’avez oublié, nous en sommes tous là ;
Le cœur le plus aimant n’est qu’une vaste armoire.
On fait deux tours, et puis voilà.

Mais moi je me souviens (et n’en soyez surprise),
Je me souviens pour vous de ce que vous faisiez…
Vous faisiez (à quoi bon rougir ?)… donc vous faisiez…
Des boucles d’oreille en cerise,
En cerise de cerisiers.



III



Vous souvient-il d’un soir où vous vous reposiez,
Mignonne, sous les cerisiers ?

Seule dans ton repos ! seule, ô femme, ô nature !
De l’ombre, du silence, et toi… Quel souvenir !
Vous l’avez oublié, maudite créature,
Moi je ne puis y parvenir.

Voyez, je me souviens (et n’en soyez surprise).
Je me souviens du soir où vous vous reposiez…
Vous reposiez (pourquoi rougir ?)… vous reposiez…
Je vous pris pour une cerise ;
C’était la faute aux cerisiers.

(Les Amoureuses)