Page:Lemerre - Anthologie des poètes français du XIXème siècle, t2, 1887.djvu/396

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
374
ANTHOLOGIE DU XIXe SIÈCLE.


Et, non sans un coquet manège,
Décembre songeuse les suit,
Qui poudre de flocons de neige
Ses bandeaux bruns comme la nuit.

— À travers la brise ou la bise,
Sous la pluie et sous le soleil,
Avec une harmonie exquise,
Toutes lèvent leur fin orteil.

Je suis entraîné dans la ronde ;
Je les vois passer tour à tour,
Sans savoir, âme vagabonde,
Quelle est la plus digne d’amour.

Je voudrais ravir la plus belle,
Suivre mon rêve dans ses bras ;
Mais chacune s’enfuit, rebelle,
En riant de mon embarras.

Soudain, parfois, mon front se plisse ;
N’ai-je pas vu là-bas, béant,
Au bout de la pente où je glisse,
Un gouffre d’ombre et de néant ?

Je leur dis alors : « Ô Déesses,
Où donc ainsi m’entraînez-vous ? »
Mais leurs yeux ont tant de caresses,
Mais leurs sourires sont si doux,

Qu’oubliant tout, ma lassitude,
Leur folie ou leur fausseté,
L’herbe glissante, le sol rude,
L’abîme où je suis emporté,