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LÉON DIERX.


Que de fois l’on te vie dans les gazons épais,
Seul et grave, rôder autour des cimetières,
Enviant tous ces morts, qui dans leurs lits de pierres
Un jour s’étaient couchés pour n’en sortir jamais !

(Les Lèvres closes)



SOIR D’OCTOBRE




Un long frisson descend des coteaux aux vallées.
Des coteaux et des bois, dans la plaine et les champs,
Le frisson de la nuit passe vers les allées.
— Oh ! l’angelus du soir dans les soleils couchants ! —
Sous une haleine froide au loin meurent les chants,
Les rires et les chants dans les brumes épaisses.
Dans la brume qui monte ondule un souffle lent ;
Un souffle lent répand ses dernières caresses,
Sa caresse attristée au fond du bois tremblant ;
Les bois tremblent ; la feuille en flocon sec tournoie,
Tournoie et tombe au bord des sentiers désertés.
Sur la route déserte un brouillard qui la noie,
Un brouillard jaune étend ses blafardes clartés ;
Vers l’occident blafard traîne une rose trace,
Et les bleus horizons roulent comme des flots,
Roulent comme une mer dont le flot nous embrasse,
Nous enlace, et remplit la gorge de sanglots.
Plein du pressentiment des saisons pluviales,
Le premier vent d’octobre épanche ses adieux,
Ses adieux frémissants sous les feuillages pâles,
Nostalgiques enfants des soleils radieux.