Page:Lemerre - Anthologie des poètes français du XIXème siècle, t2, 1887.djvu/324

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
304
ANTHOLOGIE DU XIXe SIÈCLE.


CHOSES PURES




Autour des dunes d’or, des falaises croulantes,
La mer plane abandonne aux vents harmonieux
Les rangs égaux et longs de ses lames roulantes,
Luth immense ébranlé par l’haleine des dieux.
Dans les matins riants courent d’heureux murmures,
À midi le val dort de tranquilles sommeils,
Des nuages bronzés comme les grappes mûres
Couchent les soirs mourants sur des linceuls vermeils.

Quel contraste ! Là-bas les hommes au front chauve,
Le bruit, les chars coureurs, le lucre aux désirs vains,
Les femmes d’une nuit, les chaleurs de l’alcôve,
Les fantômes drapés dans la pourpre des vins.
Ici la paix, les champs, les épis qui frissonnent,
Les toits chastes, le vent sans un souffle charnel,
Les éléments sacrés qui flottent et rayonnent
Au sein des pays blancs de l’espace éternel !

Et je marche, et je jette à ces choses splendides
De vers inachevés l’éphémère tribut,
Et je marche, et la bise au haut des caps arides
Bat mon front qui tressaille en des désirs sans but !
Chante, chanson des eaux ; portez-moi sur vos cimes,
Caps nus ; soleil des jours, inonde un insensé ;
Et toi, mer, monde étrange aux verdoyants abîmes,
En tes flots sains et frais berce mon corps lassé !