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ANTHOLOGIE DU XIXe SIÈCLE.


Mais qu’importent la soif et la mouche vorace,
Et le soleil cuisant leur dos noir et plissé ?
Ils rêvent en marchant du pays délaissé,
Des forêts de figuiers où s’abrita leur race.

Ils reverront le fleuve échappé des grands monts,
Où nage en mugissant l’hippopotame énorme,
Où, blanchis par la lune et projetant leur forme,
Ils descendaient pour boire en écrasant les joncs.

Aussi, pleins de courage et de lenteur, ils passent
Comme une ligne noire, au sable illimité ;
Et le désert reprend son immobilité
Quand les lourds voyageurs à l’horizon s’effacent.


(Poèmes barbares)


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LE MANCHY


 

Sous un nuage frais de claire mousseline,
          Tous les dimanches au matin,
Tu venais à la ville en manchy de rotin,
             Par les rampes de la colline.

La cloche de l’église alertement tintait ;
             Le vent de mer berçait les cannes ;
Comme une grêle d’or, aux pointes des savanes,
             Le feu du soleil crépitait.

Le bracelet aux poings, l’anneau sur la cheville,
             Et le mouchoir jaune aux chignons,
Deux Telingas portaient, assidus compagnons,
            Ton lit aux nattes de Manille.