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MADAME A. M. BLANCHECOTTE.



PORTRAIT




Elle vient du pays mystérieux des fées,
De la grise Norwège, et l’on sent par bouffées
À travers son silence empreint de visions
Passer le vent du nord des hautes régions.

Ses yeux sont pleins du rêve intérieur de l’âme,
Et sa voix, empruntée aux lyres d’Orient,
Passionnée, atteste un vibrant cœur de femme,
Tantôt fier et sauvage, et tantôt suppliant.

Gazelle effarouchée ou brumeuse hirondelle,
Sphynx de flamme et d’éther, que faut-il penser d’elle ?
Son bleu regard profond, si paisible et si clair,
Parfois troublé d’orage, a des splendeurs d’éclair.

Est-ce apparent sommeil, est-ce force domptée ?
Faut-il songer aux lacs enfermés dans les bois
Ou bien à la mer sombre, altière et tourmentée ?
Quelle chanson l’endort d’un rythme à demi-voix ?

Est-ce une mélopée aux vieux refrains rustiques
Où bruissent encor les forêts druidiques,
Où l’on croit voir flotter, si douce à retenir,
À travers les grands pins l’ombre du souvenir ?

Est-ce une humble prière, une hymne triomphale,
Soupir sacré de l’orgue, ou clairon éclatant ?
Derrière son sourire à lumière inégale,
Qui sait la marche austère ou tendre qu’elle entend ?