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ANTHOLOGIE DU XIXe SIÈCLE.


— Femme, te repens-tu ? C’est le ciel ou l’enfer.
De ton sang résigné laveras-tu ton crime ?
Je ne veux pas tuer ton âme avec ta chair. —

— Frappe. Je l’aime encor : ta haine est légitime.
Certes, je l’aimerai dans mon éternité !
Dieu m’ait en sa merci ! Pour toi, prends ta victime. —

— Meurs donc dans ta traîtrise et ton impureté !
Dit Komor, avançant d’un pas grave vers elle ;
Car Dieu va te juger selon son équité. —

Tiphaine souleva de son épaule frêle
Ses beaux cheveux dorés, et posa pour mourir
Sur le funèbre bloc sa tête pâle et belle.

On eût pu voir alors flamboyer et courir
Avec un sifflement l’épée à large lame,
Et du col convulsif le sang tiède jaillir.

Tiphaine tomba froide, ayant rendu son âme.
Cela fait, le vieux Jarle, entre ses bras sanglants,
Prit le corps et la tête aux yeux hagards, sans flamme.

Il monta sur la tour, et dans les flots hurlants
Précipita d’en haut la dépouille livide
De celle qui voulut trahir ses cheveux blancs.

Morne, il la regarda tournoyer par le vide…
Puis la tête et le corps entrèrent à la fois
Dans la nuit furieuse et dans le gouffre avide.

Alors le Jarle fit un long signe de croix ;
Et, comme un insensé, poussant un cri sauvage
Que le vent emporta par delà les grands bois,