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ANTHOLOGIE DU XIXe SIÈCLE.


Deux grands chênes, courbés sous le poids des rafales,
Par-dessus le chemin croisant leurs bras tendus,
Font une arcade auguste aux voûtes triomphales,
Comme pour accueillir des vainqueurs attendus.

Les vainqueurs vont venir. Du coteau qui poudroie
Descend et se rapproche un long bourdonnement,
Un cliquetis de fer, une clameur de joie…
Et le char de triomphe avance lentement.

Mais ces cris sont vos chants, jeunes gens, jeunes filles,
Qui, joyeux et lassés, revenez des moissons ;
Mais ce fer est celui des faux et des faucilles,
Dont les coups n’ont jamais dépeuplé nos maisons ;

Mais ce char, soulevant des montagnes de gerbes,
Roule au pas lourd des bœufs et remplit le chemin :
Il couvre d’épis mûrs les buissons et les herbes,
Où les oiseaux des bois viendront glaner demain ;

Il passe en triomphant sous les bras des vieux chênes,
Et les cris de victoire éclatent à pleins chœurs…
Paix à nos champs féconds dans les saisons prochaines,
Et qu’ils n’aient à fêter jamais d’autres vainqueurs !