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JULES BARBIER.

Et leur lente parole et ces yeux indulgents
Dont les plus affaiblis suivent les jeunes gens
          Qui raillent leurs tempes arides.

Sous une treille, au coin d’un joyeux cabaret,
J’ai vu quatre vieillards buvant d’un vin clairet
          Que suit le propos moins sévère ;
Et chacun d’eux parlait de ses jeunes amours,
Et chacun retrouvait, malgré le poids des jours,
La jeunesse au fond de son verre.

À quelques pas de là, de tout jeunes garçons
Chantaient à plein gosier les cyniques chansons
          Devant qui s’envole l’enfance ;
Et, voyant la bouteille entre ces doigts tremblants,
Ils raillaient ces vieillards de qui les cheveux blancs
          Semblaient sourire à leur offense !

Sommes-nous si tombés, si déchus et si bas
Qu’il faille rencontrer à chacun de nos pas,
          Dans le faubourg ou le village,
Un enfant sans pudeur, un vieillard insulté ;
Et qu’attendre d’un peuple où n’est plus respecté
          Ce rang sacré, celui de l’âge ?