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ANTHOLOGIE DU XIXe SIÈCLE.


CHANSON DE MORT


1870




Mon père, où donc vas-tu ? — Je vais
Demander une arme et me battre.
— Non, père ! autrefois tu servais :
À notre tour les temps mauvais !
Nous sommes trois. — Nous serons quatre !

— Le jeune est mort : voici sa croix.
Retourne au logis, pauvre père !
La nuit vient, les matins sont froids.
Nous le vengerons, je l’espère !
Nous sommes deux. — Nous serons trois !

— Père, le sort nous est funeste,
Et ces combats sont hasardeux :
Un autre est mort. Mais, je l’atteste,
Tous seront vengés, car je reste !
Il suffit d’un. — Nous serons deux !

Mes trois fils sont là, sous la terre,
Sans avoir eu même un linceul.
À toi ce sacrifice austère,
Patrie ! Et moi, vieux volontaire,
Pour les venger je serai seul !

(Pendant la guerre)