— Je fais ce que je veux !
— Donc je ferai de même !
— J’aime ce qui me plaît !
— Moi, j’aimerai qui m’aime !
— Misérable !… »
Et soudain, des injures, des cris,
Tout ce que la misère inspire aux cœurs aigris ;
Avec des mots affreux mille blessures vives ;
Les regrets du passé, les mornes perspectives,
Et l’amer souvenir d’un grand bonheur détruit.
Mais l’homme, tout à coup :
« À quoi bon tout ce bruit ?
J’en suis las ! Tous les jours, c’est dispute nouvelle,
Et c’est par trop souvent me rompre la cervelle.
Beau ménage vraiment que le nôtre, après tout !
Je prends, à vivre ainsi, l’existence en dégoût.
Rien ne m’attire plus dans cette chambre sombre
Où la chance est mauvaise, où des malheurs sans nombre
M’ont accablé. »
La femme aussitôt :
« Je t’entends.
Eh bien, séparons-nous ! D’ailleurs, voilà longtemps
Que nous nous menaçons.
— C’est juste !
— En conscience,
J’ai déjà trop tardé.
— J’eus trop de patience.
Une vie impossible !
— Un martyre !
— Un enfer !
— Va-t’en donc ! dit la femme, ayant assez souffert ;
Garde ta liberté ; moi, je reprends la mienne !
C’est assez travailler pour toi. Quoi qu’il advienne,
J’ai mes doigts, j’ai mes yeux : je saurai me nourrir.
Page:Lemerre - Anthologie des poètes français du XIXème siècle, t2, 1887.djvu/190
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
172
ANTHOLOGIE DU XIXe SIÈCLE.