Page:Lemerre - Anthologie des poètes français du XIXème siècle, t2, 1887.djvu/135

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
121
ANDRÉ LEMOYNE.


Quand l’arc fut bien tendu par une corde sèche.
Une biche passait en travers du chemin.
La femme en souriant, pour se faire la main,
Lança comme au hasard une première flèche,

Qui, décrivant sa courbe assez haute en sifflant,
Arrêta court la biche, une bête superbe,
Abattue en laissant un flot rouge dans l’herbe,
Et râlant sous la flèche attachée à son flanc.


III



Mais voici, débuchant d’un massif de vieux hêtres,
Lancée à corps perdu, hurlant à pleine voix,
Une meute éveillant tous les échos des bois,
Que suit un fier chasseur, chaussé de hautes guêtres,

Portant la barbe en fourche et la moustache en croc,
Chevelu comme un roi des races primitives,
Dans toute sa rudesse et sa fierté natives,
Et sonnant de sa trompe, une corne d’auroch.

Surprise à son aspect, non pas effarouchée,
Arrêtant d’un regard tous ses chiens murmurants,
La belle chasseresse ayant dit : « Je la prends, »
Mit un pied souverain sur la bête couchée.

« Tu devrais le savoir, cette biche est à moi ;
C’est ma flèche qui l’a mortellement blessée.
— Peut-être, mais d’abord mes chiens l’avaient forcée,
Quand tu vins me les rompre… et je l’aurais sans toi. »