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ANTHOLOGIE DU XIXe SIÈCLE.

saient des vers. En 1859, quand elle mourut, M. Théodore de Banville écrivit à Celle qui chantait :


Voix solitaire, ô délaissée !
Victime tant de fois blessée,
Chère morte dont l’âme eut faim
Et soif d’azur, ô Marceline,
Dors-tu, sous la froide colline ?
As-tu trouvé le calme, enfin ?

Quand, parmi la lente agonie,
La douleur, qui fut ton génie,
T’arrachait de tremblants aveux,
Le souffle du maître farouche
En passant déliait ta bouche
Et frissonnait dans tes cheveux.

Tu t’écriais, inassouvie :
« Amour, je veux dès cette vie
Ton délire immatériel
Et tes voluptés immortelles :
Puisque l’âme a gardé ses ailes.
Il faut bien qu’on lui rende un ciel. »


Ces beaux vers des Exilés la peignent tout entière, tendre et passionnée, âme torturée, mais fidèle, pure, chrétienne.

Auguste Dorchain.
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REFUGE




Jirai, j’irai porter ma couronne effeuillée
Au jardin de mon père où revit toute fleur ;
J’y répandrai longtemps mon âme agenouillée ;
Mon père a des secrets pour vaincre la douleur.

J’irai, j’irai lui dire, au moins avec mes larmes :
« Regardez ! j’ai souffert… » Il me regardera,