« Toi que j’ai consolé, songes-y bien ! dit-elle,
Les dieux, les justes dieux punissent les ingrats.
L’amour vit peu d’instants, la gloire est immortelle :
Quelque jour, mais en vain, tu me regretteras.
« À tes doigts répondaient mes cordes poétiques,
Je m’éveillais pour toi dans le calme des nuits,
J’aurais fait plus encor : sous les cyprès antiques
L’Élégie en tes vers eût pleuré ses ennuis.
« Vers les bords du Mélès, pour toi du Méonide
J’eusse été recueillir quelque chant commencé,
Ou chercher à Céos du touchant Simonide
Les nobles vers perdus dans la nuit du passé.
« J’ouvrirais à tes pas la grotte accoutumée
Où rêvait Théocrite, où ses chants tous les soirs
Retentissaient, plus purs que l’huile parfumée
Dont l’or, dans Sicyone, inonde les pressoirs.
« Un jour, je sommeillais dans les bois d’Aonie ;
La Muse me toucha d’un magique rameau,
Et d’un mode inconnu m’enseigna l’harmonie ;
Mais j’emporte avec moi ses secrets au tombeau. »
Elle a cessé. Les feux, qu’allume le Zéphire,
À travers les parfums emportent ses adieux ;
Et toutefois, dit-on, des cendres de la Lyre
S’exhala jusqu’au soir un son mélodieux.