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ANTHOLOGIE DU XIXe SIÈCLE.


Je ne faiblirais pas. Fort de ma douleur même,
Tout entier à l’adieu qui va nous séparer,
J’aurais assez d’amour en cet instant suprême
                    Pour ne rien espérer.


______



L’AMOUR ET LA MORT


I




Regardez-les passer, ces couples éphémères !
Dans les bras l’un de l’autre enlacés un moment,
Tous, avant de mêler à jamais leurs poussières,
                  Font le même serment :

Toujours ! Un mot hardi, que les cieux qui vieillissent
Avec étonnement entendent prononcer,
Et qu’osent répéter des lèvres qui pâlissent
                  Et qui vont se glacer.

Vous qui vivrez si peu, pourquoi cette promesse
Qu’un élan d’espérance arrache à votre cœur,
Vain défi qu’au néant vous jetez, dans l’ivresse
                  D’un instant de bonheur ?

Amants, autour de vous une voix inflexible
Crie à tout ce qui naît : « Aime, et meurs ici-bas ! »
La mort est implacable et le ciel insensible ;
                   Vous n’échapperez pas.