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les Contes semblent être des préludes où le poète, par son culte pour le vieux français et par le tour gaulois de son esprit, trahit son instinctif éloignement pour toute sentimentalité mièvre. Elle châtia et ennoblit la forme de ses vers dans les pièces inspirées de l’Antiquité dont se compose la première partie de son dernier volume ; et, enfin, dans les Poésies philosophiques, qui en sont la partie importante, elle entre en pleine possession de son originalité. Le pessimisme qui inspire ce recueil n’est pas le désenchantement égoïste d’une âme uniquement attentive à ses propres douleurs ; il procède au contraire de la raison impersonnelle, il est le fruit d’une profonde méditation sur les plus récentes doctrines scientifiques. Aussi la passion n’est-elle pas chez l’auteur un emportement aveugle du cœur et des sens, étranger à l’intelligence ; dans ses vers, la passion ne se sépare jamais de la pensée. Cette intime alliance du sentiment et de l’idée, qui intéresse l’amour aux conclusions de la science, engendre un sublime tout nouveau. Madame Ackermann a trouvé, en poésie, des accents qui lui sont propres pour exprimer le dernier état de l’âme humaine aux prises avec l’inconnu : c’est là le caractère éminent de son œuvre. Les sujets qu’elle excelle à traiter, tirés du problème de la condition de l’homme, sont d’un intérêt supérieur et permanent. Aussi sa réputation, ne devant rien au caprice du goût public, n’a pas à en redouter les vicissitudes.

Madame Ackermann a publié trois recueils : Contes et Poésies, Poésies philosophiques et Pensées d’une Solitaire.

Ses œuvres ont été publiées par A. Lemerre.

Sully Prudhomme.
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PAROLES D’UN AMANT




Au courant de l’amour lorsque je m’abandonne,
Dans le torrent divin quand je plonge enivré,
Et presse éperdument sur mon sein qui frissonne
                    Un être idolâtré,