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ALFRED DE MUSSET.

Il se baisse, il l’égorge, il jette à la curée
Sur les chiens en sueur son cœur encor vivant.
Peindrons-nous une vierge à la joue empourprée,
S’en allant à la messe, un page la suivant,
Et d’un regard distrait, à côté de sa mère,
Sur sa lèvre entr’ouverte oubliant sa prière ?
Elle écoute en tremblant, dans l’écho du pilier,
Résonner l’éperon du hardi cavalier.
Dirons-nous aux héros des vieux temps de la France
De monter tout armés aux créneaux de leurs tours,
Et de ressusciter la naïve romance
Que leur gloire oubliée apprit aux troubadours ?
Vêtirons-nous de blanc une molle Élégie ?
L’homme de Waterloo nous dira-t-il sa vie,
Et ce qu’il a fauché du troupeau des humains
Avant que l’envoyé de la nuit éternelle
Vînt sur son tertre vert l’abattre d’un coup d’aile,
Et sur son cœur de fer lui croiser les deux mains ?
Clouerons-nous au poteau d’une satire altière
Le nom sept fois vendu d’un pâle pamphlétaire,
Qui, poussé par la faim, du fond de son oubli
S’en vient, tout grelottant d’envie et d’impuissance,
Sur le front du génie insulter l’espérance
Et mordre le laurier que son souffle a sali ?
Prends ton luth ! prends ton luth ! Je ne peux plus me taire.
Mon aile me soulève au souffle du printemps,
Le vent va m’emporter, je vais quitter la terre.
Une larme de toi ! Dieu m’écoute. Il est temps.


LE POÈTE.


S’il ne te faut, ma sœur chérie,
Qu’un baiser d’une lèvre amie