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HÉGÉSIPPE MOREAU.

Dormir encore au bruit de tes roseaux chanteurs,
Et causer d’avenir avec tes flots menteurs.


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LA FAUVETTE DU CALVAIRE




Oh ! non, je n’irai pas sous son toit solitaire
Troubler ce juste en pleurs par le bruit de mes pas ;
Car il est, voyez-vous, de grands deuils sur la terre
Devant qui l’amitié doit prier et se taire :
                     Oh ! non, je n’irai pas.

Lorsque de ses douleurs le blond fils de Marie,
Mourant, réjouissait Sion et Samarie,
            Hérode, Pilate et l’enfer,
Son agonie émut d’une pitié profonde
Les anges dans le ciel, les femmes en ce monde,
            Et les petits oiseaux dans l’air.

Et sur le Golgotha noir de peuple infidèle,
            Quand les vautours, à grand bruit d’aile,
            Flairant la mort, volaient en rond,
Sortant d’un bois en fleur au pied de la colline,
            Une fauvette pèlerine
Pour consoler Jésus se posa sur son front.

Oubliant pour la croix son doux nid sur la branche,
Elle chantait, pleurait et piétinait en vain,
Et de son bec pieux mordait l’épine blanche,
            Vermeille, hélas ! du sang divin ;