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AUGUSTE BRIZEUX.

Suçant tous les bourgeons, toutes les fleurs nouvelles
Que Dieu mit dans les champs pour le pauvre et pour elles. »


(Les Bretons. Chant XVII.)
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LE LIVRE BLANC




Jentrais dans mes seize ans, léger de corps et d’âme,
Mes cheveux entouraient mon front d’un filet d’or,
Tout mon être était vierge et pourtant plein de flamme,
Et vers mille bonheurs je tentais mon essor.

Lors m’apparut mon ange, aimante créature ;
Un beau livre brillait sur sa robe de lin,
Livre blanc ; chaque feuille était unie et pure :
« C’est à toi, me dit-il, d’en remplir le vélin.

« Tâche de n’y laisser aucune page vide,
Que l’an, le mois, le jour, attestent ton labeur.
Point de ligne surtout et tremblante et livide
Que l’œil fuit, que la main ne tourne qu’avec peur.

« Fais une histoire calme et doucement suivie ;
Pense, chaque matin, à la page du soir :
Vieillard, tu souriras au livre de ta vie,
Et Dieu te sourira lui-même en ton miroir. »



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