Sur l’onde froide ou l’herbe encor fleurie
Tombait sans bruit quelque feuille flétrie,
Et je rêvais !…
Au saule antique incliné sur ma tête
Ma main enlève, indolente et distraite,
Un vert rameau !
Puis j’effeuillai sa dépouille légère,
Suivant de l’œil sa course passagère
Sur le ruisseau.
De mes ennuis jeu bizarre et futile !
J’interrogeais chaque débris fragile
Sur l’avenir :
« Voyons, disais-je à la feuille entraînée,
Ce qu’à ton sort ma fortune enchaînée
Va devenir. »
Un seul instant je l’avais vue à peine,
Comme un esquif que la vague promène
Voguer en paix ;
Soudain le flot la rejette au rivage ;
Ce léger choc décida son naufrage.
Je l’attendais !…
Je fie à l’onde une feuille nouvelle,
Cherchant le sort que pour mon luth fidèle
J’osais prévoir ;
Mais vainement j’espérais un miracle,
Un vent rapide emporta mon oracle
Et mon espoir.
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ANTHOLOGIE DU XIXe SIÈCLE.