Page:Lemerre - Anthologie des poètes français du XIXème siècle, t1, 1887.djvu/116

Cette page a été validée par deux contributeurs.
98
ANTHOLOGIE DU XIXe SIÈCLE.

Mêle même au bonheur je ne sais quoi d’amer
Qui relève son goût comme un sel de la mer,
Jouit de se sentir aimer, penser et vivre,
Pendant que tout frissonne et tout meurt sous le givre,
Et s’entoure à plaisir, dans ces jours sans soleil,
De rêves de son choix comme pour un sommeil !


(Jocelyn)
______


CHŒUR DES CÈDRES DU LIBAN




Saint, saint, saint le seigneur qu’adore la colline !
Derrière ces soleils, d’ici nous le voyons.
Quand le souffle embaumé de la nuit nous incline,
Comme d’humbles roseaux sous sa main nous plions !
Mais pourquoi plions nous ? C’est que nous le prions !
C’est qu’un intime instinct de la vertu divine
Fait frissonner nos troncs du dôme à la racine,
Comme un vent du courroux qui rougit leur narine,
            Et qui ronfle dans leur poitrine,
Fait ondoyer les crins sur les cous des lions.

            Glissez, glissez, brises errantes ;
            Changez en cordes murmurantes
            La feuille et la fibre des bois !
            Nous sommes l’instrument sonore
            Où le nom que la lune adore
            À tous moments meurt pour éclore
            Sous nos frémissantes parois.
            Venez, des nuits tièdes haleines ;
            Tombez du ciel, montez des plaines ;
            Dans nos branches, du grand nom pleines,