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de ma mère, et je retournerai nu dans le sein de la terre. Le Seigneur m’avait tout donné, le Seigneur m’a tout ôté  ; il n’est arrivé que ce qu’il lui a plu  ; que le nom du Seigneur soit béni !

22 Ainsi dans tout cela Job ne pécha point par ses lèvres, et il ne dit rien contre Dieu qui fût indiscret.



OR les enfants de Dieu s’étant un jour présentés devant le Seigneur, et Satan étant venu aussi parmi eux se présenter devant le Seigneur,

2 le Seigneur lui dit : D’où viens-tu ? Il lui répondit : J’ai fait le tour de la terre, et je l’ai parcourue tout entière.

3 Le Seigneur lui dit encore : N’as-tu point considéré mon serviteur Job, qui n’a point d’égal sur la terre, qui est un homme simple et droit de cœur, qui craint Dieu et fuit le mal, et qui se conserve encore dans l’innocence, quoique tu m’aies porté à m’élever contre lui pour l’affliger sans qu’il l’ait mérité ?

4 Satan lui répondit : L’homme donnera toujours peau pour peau, et il abandonnera volontiers tout ce qu’il possède, pour sauver sa vie :

5 mais étendez votre main, et frappez ses os et sa chair, et vous verrez s’il ne voue maudira pas en face.

6 Le Seigneur dit à Satan : Va, il est en ta main : mais ne touche point à sa vie.

7 Satan étant donc sorti de devant le Seigneur, frappa Job d’une effroyable plaie, depuis la plante des pieds jusqu’au sommet de la tête.

8 Et Job s’étant assis sur un fumier, ôtait avec un morceau d’un pot de terre la pourriture qui sortait de ses ulcères.

9 Alors sa femme vint lui dire : Quoi ! vous demeurez encore dans votre simplicité ? Maudissez Dieu, et mourez.

10 Job lui répondit : Vous parlez comme une femme qui n’a point de sens. Si nous avons reçu les biens de la main du Seigneur, pourquoi n’en recevrons-nous pas aussi les maux ? Ainsi dans toutes ces choses Job ne pécha point par ses lèvres.

11 Cependant trois amis de Job apprirent tous les maux qui lui étaient arrivés, et étant partis chacun de leur pays, vinrent le trouver, Eliphaz de Théman, Baldad de Suh, et Sophar de Naamath. Car ils s’étaient donné jour pour venir ensemble le voir et le consoler.

12 Lors donc que de loin ils eurent levé les yeux pour le considérer, ils ne le reconnurent point ; et ayant jeté un grand cri, ils commencèrent à pleurer. Ils déchirèrent leurs vêtements, ils jetèrent de la poussière en l’air pour la faire retomber sur leur tête.

13 Ils demeurèrent avec lui assis sur la terre durant sept jours et durant sept nuits, et nul d’eux ne lui dit aucune parole : car ils voyaient que sa douleur était excessive.



APRÈS cela Job ouvrit la bouche, et maudit le jour de sa naissance,

2 et il parla de cette sorte :

3 Puisse périr le jour auquel je suis né, et la nuit en laquelle il a été dit : Un homme est conçu !

4 Que ce jour se change en ténèbres, que Dieu ne le regarde non plus du ciel, que s’il n’avait jamais été ! qu’il ne soit point éclairé de la lumière !

5 Qu’il soit couvert de ténèbres et de l’ombre de la mort ! qu’une noire obscurité l’environne, et qu’il soit plongé dans l’amertume !

6 Qu’un tourbillon ténébreux règne dans cette nuit ! qu’elle ne soit point comptée parmi les jours de l’année, ni mise au nombre des mois !

7 Que cette nuit soit dans une affreuse solitude, et qu’elle ne soit jamais jugée digne de louange !

8 Que ceux qui maudissent le jour la maudissent, ceux qui sont près de susciter Léviathan !

9 Que les étoiles soient obscurcies par sa noirceur ! qu’elle attende la lumière, et qu’elle ne la voie point, et qu’elle ne jouisse point des premiers rayons de l’aurore !

10 parce qu’elle n’a point fermé le sein qui m’a porté, et qu’elle n’a point détourné de moi les maux qui m’accablent.

11 Pourquoi ne suis-je point mort dans le sein de ma mère ? pourquoi n’ai-je point cessé de vivre aussitôt que j’en suis sorti  ?

12 Pourquoi m’a-t-on reçu sur les genoux  ? pourquoi ai-je été nourri du lait de la mamelle ?

13 Car je dormirais maintenant dans le silence, et je me reposerai dans mon sommeil,

14 avec les rois et les consuls de la terre, qui durant leur vie se bâtissent des tombeaux dans les solitudes,

15 ou avec les princes qui possèdent l’or, et qui remplissent d’argent leurs maisons.

16 Je n’aurais point paru dans le monde, non plus qu’un fruit avorté dans le sein de la mère, ou que ceux qui ayant été conçus n’ont point vu le jour.

17 C’est là que les impies cessent d’exciter des tumultes  ; et c’est là que trouvent le repos ceux dont les forces sont épuisées par les travaux de cette vie.

18 C’est là que ceux qui étaient autrefois enchaînés ensemble, ne souffrent plus aucun mal, et qu’ils n’entendent plus la voix de ceux qui exigeaient d’eux des travaux insupportables.

19 Là les grands et les petits se trouvent égaux, là l’esclave est affranchi de la domination de son maître.