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les médaillons

Chargeaient son front pâli de leur sombre édifice.
Un collier d’or avec une croix de brillants,
Très lourd, ceignait son cou virginal ; ses bras blancs
Portaient des bracelets gros comme des menottes :
Le futur n’avait pas ménagé les bank-notes
Ni plaint la marchandise ; et je songeais tout bas
Que je n’aurais pu mettre à son col, à ses bras,
Le Ciel m’ayant pourvu de rentes fort minimes,
due colliers de baisers et bracelets de rimes
Et rivière de pleurs, — joyaux non contrôlés.

A ces ors opulents sur sa gorge étalés
Opposant sa simplesse exquise et délicate,
Seule, une rose-thé, douce en sa pâleur mate,
Fleur où vit le parfum printanier des beaux soirs,
Ornait ses noirs cheveux et les rendait plus noirs.

Brusquement, laissant là sa dignité maussade.
Familière, elle vint, en bonne camarade,
Comme jadis, s’asseoir près de moi ; me parla
De la pluie et du vent, de Sarah, de Zola,
Et puis du Petit Duc, d’un bijou de Delibes,
Et du Nabab récent dont elle a lu des bribes,
Et de Sully qu’elle aime et qui la fait songer.
Ainsi sa causerie allait d’un vol léger.
Et muet, m’efforçant d’être sombre et tragique,