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petites orientales

De lèvres en lèvres circule,
Nourrice du rêve flottant,
Une pipe où le haschisch brûle,
Et qu’un maigre Biskri leur tend.

Chacun, tirant une bouffée,
Sent plus d’infini sous son front.
Car la pipe noire est la fée
Du nirvana vague et profond.

Tels, satisfaits de leur partage,
Usent leurs jours ces gens de bien
Qui, sans en penser davantage,
De l’aube au soir ne disent rien.

Cette idéale quiétude.
Contemptrice de l’accident,
Où n’atteignent que par l’étude
Les pâles fils de l’Occident ;

Cette immobile indifférence
Où, parmi de croissants dégoûts,
L’expérience et la souffrance
Mènent les plus forts d’entre nous ;