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a une mauresque

Tu sens confusément qu’il faut qu’on me console
Et que j’ai grand besoin d’être bercé… Souvent,
Me voyant triste et doux, tu me dis : « Je suis folle ;
Je l’aime toi kifkif un tout petit enfant. »

Ta voix de clair métal meurtrit chaque syllabe ;
A peine savons-nous prononcer nos deux noms ;
Moi, hormis « na’habbek* », je ne sais point d’arabe,
Et cela fait, vois-tu, que nous nous comprenons.

Ta pitié sans pensée est bonne à ma souffrance ;
Elle endort dans mon sein le souvenir dompté.
Tes yeux, où rêve en paix ta divine ignorance,
M’emplissent lentement de leur sérénité…

Hier, — comme j’allais tout plein de notre idylle, —
Par la fente du voile et du haïk jaloux
Je les ai reconnus, dans la rue, entre mille,
Tes yeux si noirs, tes yeux si longs, tes yeux si doux.

Alger, février 1881.

* Je t’aime.