Page:Lemaître - Les Rois, 1893, éd2.djvu/76

Cette page n’a pas encore été corrigée

où je vous ai dit pour la première fois que je vous aimais ? Il y avait fête au palais, comme ce soir, et c’était, comme ce soir, une mascarade d’hommes chamarrés et de femmes peintes ; le mensonge sur tous les visages : mensonge du dévouement ou mensonge du plaisir ; et moi-même je venais de faire mon métier de prince, de dire pendant des heures des mots qui mentaient… Je vins seul ici, respirer l’air vierge de la nuit. Je vis une forme blanche accoudée à cette même place. C’était vous. Et de vous retrouver là, de retrouver vos yeux limpides et votre cœur sincère au sortir de tout cet artifice d’une fête royale, ce me fut un inexprimable rafraîchissement. C’était comme si la nature bienveillante, me prenant en pitié, vous eût elle-même donnée à moi.

— Je me souviens, je me souviens… Un rossignol chantait tout près de nous… Tenez ! là, dans cet arbre. Le vent de la nuit, qui nous apportait l’odeur des roses, semblait l’haleine même de la terre, et, bien que la fête continuât derrière les fenêtres fermées, on eût dit que nous étions seuls, vous et moi, seuls sous le vaste ciel.

— Dès lors, j’ai vécu une vie nouvelle. J’ai porté ma charge plus allègrement : je vous avais !