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le visage d’Hermann. Il l’aimait bien, son petit garçon, mais cela lui faisait mal de le voir. L’idée de l’injustice mystérieuse dont cet enfant était la victime, cette ironie du destin qui donnait pour dernier rejeton à toute une race de rois puissants ce pauvre petit gnome, emplissait Hermann d’une telle amertume de révolte et de protestation que ce sentiment trop fort ôtait souvent à sa tendresse paternelle la possibilité de s’exprimer. Au reste, il avait dû, comme de raison, abandonner à la mère le soin d’élever l’enfant malade, et il savait quelles leçons de prétendue dignité--à cinq ans ! --et d’orgueil « professionnel » et d’étiquette imbécile on lui inculquait déjà, à ce frêle avorton royal. Et il songeait que le jour où l’enfant serait grand--à supposer qu’on pût le faire vivre--il trouverait en lui un coeur faussé, une tête pleine de vaniteuses sottises, qu’il ne serait plus temps de refaire tout cela et qu’ainsi la mère altière et la gouvernante empesée étaient sans doute en train de lui prendre l’âme de son fils, et pour toujours.

— Venez, Wilhelm, dit la princesse.

Elle prit l’enfant par la main et le conduisit au prince :