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la courbe grasse de son dos et de sa nuque robuste.

Mais lui, très froidement :

— C’est vous qui l’avez voulu… Rappelez-vous comment on nous a mariés. Vous aviez été élevée dans une petite cour surannée et pompeuse, comme une archiduchesse d’il y a deux cents ans. Moi, une fois affranchi de l’inhumaine discipline à laquelle mon père avait soumis ma première jeunesse, j’avais vécu, autant que cela m’était permis, en simple étudiant, puis en voyageur, et mon rêve était de continuer à vivre comme un particulier. Nous ne nous étions jamais vus. Cependant j’avais bon espoir : je comptais trouver en vous une femme, et je me mis à vous aimer pour votre jeunesse, votre beauté, et pour la loyauté de votre caractère… Mais vous étiez comme figée dans votre rôle ; vous adoriez cette parade que je détestais, et, jusque dans notre intimité, réduite par vous presque à rien, vos sentiments et vos gestes gardaient un caractère officiel et royal…

— Oui… l’air des Altenbourg, comme vous disiez. Cet air que vous retrouviez, chez mon père, dans tous nos portraits de famille… Mais enfin ce n’est pas un crime que de ressembler à ses aïeux ?