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secrète s’exaspérait en lui jusqu’à une inquiétude maladive. Volontiers, il eût chargé un serviteur de lui répéter, chaque jour et à chaque instant du jour : « Souviens-toi qu’un prince n’est qu’un homme. » Il avait peur, pour ainsi dire, du sang qui coulait dans ses veines. Et cette appréhension, cette continuelle attention sur soi communiquait à son allure et à toute sa conduite une gêne, une incertitude que venaient rompre nerveusement des décisions subites et excessives…

S’il n’avait pu s’entendre avec la princesse royale, ce n’était point parce qu’il l’avait épousée sans l’avoir choisie. Ce mariage, conclu dans un intérêt, national et dynastique, eût pu être un mariage heureux : Wilhelmine était belle, intelligente, vertueuse, et il ne semblait pas qu’il fallût de grands efforts pour l’aimer. Et ce n’était pas non plus la différence de leurs caractères ni celles de leurs opinions touchant les devoirs généraux de la royauté ou les questions politiques particulières qui l’avait peu à peu éloigné d’elle. C’était quelque chose de plus intime et de plus irrémédiable. Ce qui déplaisait à Hermann, ce qui lui faisait mal, c’était, parmi toutes les vertus et toute la grâce de cette femme, il ne savait quelle imperturbable