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de paysans affamés. Il passait pour un grand roi. Les historiens l’excusaient ; quelques-uns le glorifiaient : tous ses crimes, ne les avait-il pas commis soit pour sauver la couronne, soit pour assurer l’unité du royaume ?

C’était, d’ailleurs, un chef-d’œuvre que ce vieux tableau, achevé et embelli par le temps. Du fond, devenu tout noir, ressortait puissamment une tête jaune, toute en nez et en mâchoires, avec des yeux durs, d’une fixité gênante. La main droite émergeait au premier plan, une main terrible, qui serrait le sceptre comme un bâton.

— Ah ! songeait Hermann, si j’avais l’énergie de cette brute pour vouloir le contraire de ce qu’elle a voulu !

Ce portrait de son farouche homonyme, Hermann le gardait là, sous ses yeux, comme un _memento_ de tout ce qu’il s’était juré d’éviter, de tout ce qui lui faisait le plus d’horreur au monde : orgueil de la domination, brutalité, cruauté et dogmatisme, car l’aïeul meurtrier avait été un roi croyant et, par piété autant que par politique, un zélé protecteur de l’Église.

Comment lui, le dernier venu de la race, pouvait-il différer à ce point, non seulement par les goûts et par la culture, mais par tout son être