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et de prudence ! Qu’il te fasse toujours connaître la vérité ! Et puisses-tu être moins troublé et plus heureux que ton père !

Quand la cour, en grand deuil, se fut rangée des deux côtés de l’estrade, le roi Christian, d’une pâleur de cire, sa barbe blanche étalée sur sa tunique et cachant à moitié le grand cordon de l’Aigle-Bleu, dit, d’une voix édentée et chevrotante :

— Monsieur le grand chancelier, veuillez donner lecture de notre acte d’abdication et de celui par lequel nous instituons Son Altesse royale la princesse de Marbourg régente du royaume.

Le grand chancelier, comte de Moellnitz, debout devant une table carrée couverte d’un tapis de pourpre à crépines d’or--la table royale des mélodrames historiques--déroula un parchemin d’où pendait un sceau rouge plus large qu’une hostie, et, scandant les phrases d’un hochement de sa petite tête d’oiseau déplumé, il lut avec une lenteur et des intonations d’archevêque officiant :

« Nous, Christian XVI, par la grâce de Dieu, roi d’Alfanie, à tous présents et à venir, salut.

« Considérant… »

Une rumeur venue du dehors couvrit sa voix. Le roi avait voulu, ce jour-là, qu’on laissât à ses