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avec lui du fond de ses comptoirs.

« Je suis revenu de cette sévérité inintelligente. Ces hommes ne sont encore que dans la première période du légitime développement humain ; mais déjà, ils inaugurent la vie complète. Ils sont avides, mais non pas timides ni avares ; leur idéalisme est aussi sincère et naturel que leur rapacité. Leur instinct religieux s’exerce librement : ils se font ou se choisissent leur religion. Leur commerce--c’est le mot--avec l’Éternel (donnant donnant) rappelle les relations que les très anciens hommes entretenaient avec les divinités. Et, pareillement, leur activité, leur audace, leur énergie d’initiative sont celles des hommes primitifs, de ceux qui ont tout inventé : le feu, l’airain, le fer, les vertus des plantes, la roue, la charrue, le bateau et la voile, et qui nous renieraient pour leurs fils, nous, les songeurs lâches du vieux continent. Bref, c’est comme une humanité qui recommence, dix mille ans--ou vingt mille--après l’apparition de notre espèce sur la planète.

« Cette humanité a des chances de réussir où nous avons échoué. Ici, seulement, le rêve de la gamelle pour tous et celui d’une vie complète